36 lunes... 3 saisons. Presque une année entière que je marche avec eux, avec les baroudeurs.
C'est pas une bande de caïds, c'est pas non plus un troupeau de merdeux, c'est des gars du Fract', des fiers ressortissants du peuple du désert.
Des rêveurs, de exaltés, des poivrots, des vieux ou des jeunes têtes, toujours à pattes sous le soleil brûlant de l'été ou dans la rigueur de l'hiver : ce sont des nomades tout simplement.
Des nomades, comme des dizaines d'autres, qui voyagent encore dans ce putain de monde que certains trouvent trop grand à leur goût...
... C'est vrai qu'il est grand ce putain de monde ! Depuis la plaine d'Arkham ou je les ai rejoins jusqu'aux prairies du grand nord, en passant par les marais de New Saigon et les contrefort du bouclier, j'en ai bouffé du sable et de la caillasse et j'ai pas mal usé mes tongs, mais surtout, j'ai put être avec eux ce que j'étais au fond de moi, un marcheur du désert, parcourant ce monde pour le vivre plutôt que pour le lire sur une carte... une carte qui bien que largement distribué de droite à gauche, recèle quand même quelques surprises. Saviez vous par exemple que le grand bouclier de pierre qui barre la route du grand nord cache, dans quelques unes de ses vallées peu connues, des trésors qui ne demandent qu'à être exhumés ?
Vous me demanderez : "Où ça ?"
Je vous répondrais : "T'es nomade, connard ? Non, et ben va chier."
Aujourd'hui, presque au terme de ce grand voyage désertique pour rejoindre ceux qui nous ont tendu la main, les nomades fédérés, nous campons maintenant sur la plaine gelée.
Fatigués, affaiblis, amaigris, malades pour certains, à l'agonie pour d'autres, les groupes de chasseurs et récolteurs qui se séparent au petit matin sont silencieux, préoccupés : trouveront-ils de quoi tenir encore une semaine ?
La nuit toute la troupe se regroupe en cercle autour du feu de camp pour se protéger des rôdeurs et autres pillards qui hantent les chemins du Fract'. Personne ne parle, tout le monde se regarde sans un mot, l'heure et grave la pitance est maigre et amère, sous une tente dans coin du campement, Pissen Fait meurs peu à peu, sans bruit sous le regard de son patriarche.
Dans ce silence nocturne et gelé, on entend que le son du vent perçant et la longue prière que récite Père Fide au chevet du mourant.
Rien, l'attente taiseuse au gré des crépitements du feu; et d'un coup ça arrive.
West, le vieux roublard et chef indiscutable de cette bande de baroudeurs désigne d'un coup le ciel nocturne en face de lui avec une impression de stupeur inhabituelle sur son visage.
Oh ! Regardez là haut !Une trainée de feu dans le ciel, les plus réveillés se lèvent malgré les couvertures posées sur leurs épaules, de la buée sort de leur bouche ouverte, je suis là debout avec Izangar et West le nez en l'air en train de regarder une boule de feu dans le ciel frôler notre petit monde bien minuscule face aux promesses du ciel...
Une forte lueur se dégage de cette apparition, on croit entendre même un vrombissement semblable au tumulte que provoquerait un tel missile céleste propulsé droit sur nous.
Nous sommes perplexes, Père Fide sort la tête de la tente, visiblement il n'a plus aucun espoir pour Pissen, c'est peut-être mieux ainsi... Il nous voit debout autour du feu, en train de regarder dans le ciel ce mauvais présage...